Federico Garcia Lorca a las cinco de la tarde (3/3)

"Je ne veux pas qu'on lui couvre le visage de mouchoirs

afin qu'il s'habitue à cette mort qu'il porte.

Va-t'en, Ignacio : le chaud meuglement ne te soit pas sensible.

Dors, vole, repose : la mer aussi se meurt ! " (1)

Les élections législatives de novembre 1933 voient le succès des forces de droite. Les réformes décidées par les gouvernements précédents sont mises à mal. "Il y avait des menaces de coup d'Etat, fomenté par les droites au pouvoir, et des menaces d'insurrection des masses prolétaires. Là-dessus, grève des paysans en mai 1934. Conflit avec la Catalogne. Remise du pouvoir aux groupes de droite qui n'avaient pas accepté loyalement la République (octobre 1934). Décision gravissime, grosse de périls. En réponse : insurrection prolétaire aux Asturies, et insurrection du gouvernement catalan. Erreur infiniment plus graves encore et irréparables. Le gouvernement ne se contenta pas d'étouffer les deux insurrections. Après une répression atroce, il supprima l'autonomie de la Catalogne et jeta en prison trente mille personnes. C'était le prologue de la guerre civile." (2)

C'est dans ce climat de violence que Garcia Lorca retrouve son pays après un séjour de six mois en Argentine (octobre 1933-mars 1934). C'est dans cette Espagne troublée que meurt en novembre 1934, à cinq heures du soir, le torero, ami de Lorca, Ignacio Sanchez Mejias.

"Parce que tu es mort pour toujours,

comme tous les morts de la Terre,

comme tous les morts qu'on oublie

dans un amoncellement de chiens éteints.

Nul ne te connaît plus. Non. Mais je te chante.

Je chante pour plus tard ta silhouette et ta grâce.

L'insigne maturité de ta connaissance.

Ton appétit de mort et le goût de sa bouche.

La tristesse qu'éprouva ta vaillante allégresse." (1)

"Interprétées par les ambassadeurs allemands et britanniques comme un "succès des réactionnaires" ou un rejet du marxisme, ces élections avaient au moins le mérite de clarifier la situation politique. (...) L'incertitude pesait sur le programme d'action gouvernemental et sur les objectifs politiques des partis de droite associés au pouvoir, dont la discrétion semblait masquer une conspiration. Pour Sir George Grahame, le "triomphe des droites" apparut en effet comme un phénomène inquiétant qui menaçait la stabilité du régime et risquait de provoquer à terme un coup d'Etat fasciste, opinion partagée par l'ambassadeur des Etats-Unis à Madrid, Claude Bowers." (3)

(1) Federico Garcia Lorca, Chant funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias (1934).

(2) Manuel Azana, Causes de la guerre d'Espagne (Presses Universitaires de Rennes, 1999).

(3) Jean-François Berdah, La démocratie assassinée - la République espagnole et les grandes puissance 1931-1939 (Berg International Editeurs, 2000).

Federico Garcia Lorca