"Au commencement de la première guerre mondiale, en août 1914, les trois pays scandinaves se déclarèrent neutres et coopérèrent activement pour préserver cette neutralité pendant toute la guerre. Les trois souverains se rencontrèrent à Malmö, en Suède, au mois de décembre 1914, et des conférences eurent lieu régulièrement, entre les hommes d'état, au cours des années suivantes.
Grâce à l'habileté de son Ministre des Affaires Etrangères, N. C. Ihlen, et au renforcement de son dispositif militaire, la Norvège réussit à rester en dehors du conflit. La guerre sous-marine, et les problèmes d'exportation en particulier, lui valurent de violents différends avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne, mais la Norvège put rester sur la défensive sans avoir à intervenir. Il a été prouvé qu'en automne 1916 le gouvernement allemand fut sur le point de déclarer la guerre à la Norvège mais, quand l'état-major eût mesuré l'importance des forces norvégiennes, il estima que l'Allemagne n'avait pas intérêt à augmenter le nombre de ses ennemis.
Il n'en demeure pas moins que les effets de cette guerre sur la Norvège furent désastreux. Par suite du blocus de la flotte anglaise et des attaques des sous-marins allemands, les importations de vivres et autres produits de première nécessité diminuèrent et le rationnement fut imposé. Les prix montèrent, lentement d'abord, puis très vite et très haut pendant les deux dernières années de la guerre et les deux années qui la suivirent. Ils atteignirent leur niveau le plus haut en automne 1920, lorsque les prix furent quatre fois plus élevés qu'avant la guerre. La cause de cette inflation fut non seulement la pénurie de produits, mais aussi l'abondance de l'argent.
Peu de temps après le début de la guerre, la Banque de Norvège abolit la convertibilité en or, abandonnant ainsi l'étalon or ; en quelques années, le nombre de billets de banque augmenta considérablement. Les salaires ne suivirent pas la montée des prix et les salariés connurent de mauvais jours.
Par ailleurs, les armateurs et les commerçants firent de grands bénéfices. Comme les alliés manquaient de bateaux, ils louèrent à grands prix les navires norvégiens. De nouvelles compagnies de navigation, parfois gérées par des gens sans expérience, furent créées et, tant que la demande fut grande, les dividendes furent largement profitables. Des spéculateurs se mirent de la partie ; des fortunes s'édifièrent rapidement mais, quand la récession survint, après 1920, elles diminuèrent d'importance ou disparurent brusquement.
(...) La Société des Nations, fondée en 1920, était dans son essence un instrument de paix et de justice internationales. Par tradition humanitaire, la Norvège y adhéra et y délégua l'un de ses représentants les plus célèbres, Fridtjof Nansen (1920-1930) dont l'idéal élevé, l'énergie inlassable et l'indomptable courage donnèrent à la Norvège, au sein de la S.D.N., une position très respectée. Nansen mit tout son dynamisme et sa bonté au service de l'œuvre humanitaire et pacifique entreprise par cet organisme international." (1)
Nansen est connu pour avoir traversé le Groenland à pied en 1888, puis pour s'être embarqué sur le Fram pour aller explorer le Pôle Nord. De retour en Norvège, il fonda la chaire d'océanographie à l'université d'Oslo dont il fut le professeur. Il fut ambassadeur à Londres et durant la guerre 14-18, il fut envoyé aux Etats-Unis pour négocier un accord sur l'importation de produits alimentaires.
"Mais c'est dans les années 1920 qu'il réalisa, en partie à titre personnel et en partie pour la Société des Nations, la plus belle et la plus grande œuvre de sa vie. Il organisa en effet le rapatriement de Russie et de Sibérie d'un demi-million de prisonniers de guerre et aida un million et demi de réfugiés, russes pour la plupart, à s'établir à l'étranger. Des milliers d'hommes doivent leur vie au "passeport Nansen". Grâce à son organisation, des millions de vie furent sauvées pendant la grande famine qui sévit en Russie après la guerre. Plus tard, il dirigea l'échange de deux millions d'hommes entre la Grèce et la Turquie et s'employa à secourir les Arméniens. Partout il fit preuve de qualités exceptionnelles." (1)
Nansen mourut en 1930.
"Au cours de l'hiver (1915-1916, ndlr), on suivit avec intérêt l'entreprise d'un ardent pacifiste, M. Henry Ford, le richissime constructeur d'automobiles, qui se disait capable de ramener les belligérants à la raison et de les contraindre à faire la paix. Pour ce faire, il avait créé une commission où siégeait le célèbre Thomas Edison et le fabricant de pneumatiques Harvey Firestone, ainsi qu'une romancière hongroise, moins désintéressée, Rosika Schwimmer. "Ford est prêt à stopper la guerre", titrait l'Evening Post, et l'industriel de Detroit déclarait : "Tous les combattants doivent être rentrés chez eux pour Noël." Les généreux utopistes embarquèrent au début de décembre sur un paquebot spécialement affrété, Oscar II, devenu le siège flottant d'une commission des pays neutres animée par les "pèlerins de la Paix". Hélas ! quand Oscar II jeta l'ancre dans le port d'Oslo, personne ne parut se soucier de la médiation proposée par M. Ford, et le bateau revint aux Etats-Unis après une croisière désenchantée. Les mauvaise langues s'empressèrent de dire que le voyage en Europe n'était pas sans profit pour M. Ford. Il avait constaté que la Grande-Bretagne, menacée de famine par le blocus des sous-marins allemands, devait défricher au plus vite des terres incultes. Le 22 décembre, au cours d'une conférence de presse, le pèlerin de la Paix éconduit annonça que ses usines allaient produire en série des tracteurs agricoles qui "bouleverseraient la vie des campagnes en débarrassant les paysans des tâches les plus exténuantes". (2)
(1) Histoire de Norvège par John Midgaard (J. MIDGAARD, 1963)
(2) Bagatelle par Maurice Denuzière (Editions Jean-Claude Lattès, 1981)
L'hôtel de ville de Stockholm (Suède) construit entre 1911 et 1923 et conçu par l'architecte Ragnar Ostberg.
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