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9 mars 2016 3 09 /03 /mars /2016 16:45

Pour le plus grand plaisir des vacanciers, la station balnéaire de Saint-Cyprien dans le département des Pyrénées-Orientales propose de nombreux loisirs nautiques et de plein air : équitation, ski nautique, pêche en mer, musculation, activités que n'aurait pas désavouées Paul Morand. Dans un quartier pavillonnaire côté village, la rue Paul Morand est bordée par le canal d'Elne qui se jette dans le port de Saint-Cyprien au quai Rimbaud.

Issu d'une famille de gens du spectacle - "Mon père dessinait les costumes et les décors de ses pièces ; il a même peint, pour la Comédie-Française, un rideau de scène médiéval, à la Burne Jones" (1) -, Paul Morand, né en 1888, a connu dans son enfance et son adolescence, celles et ceux que ses parents invitaient chez eux, dans leur appartement de la rue de l'Université (Paris) : Sarah Bernhardt (pour qui son père aidé de Marcel Schwob a traduit Hamlet), Lucien Guitry, Auguste Rodin (qui ne venait qu'au déjeuner). Alors qu'il n'a que dix-huit ans, il écrit une nouvelle La mort de l'amour, œuvre d'anticipation (l'action se déroule à la fin du 3ème millénaire) où les humains, tous semblables et asexués, ne connaissent ni désir, ni passion, ni sentiment. En 1902, il découvre Londres qui était alors selon ses propres mots la Venise de l'univers. Il y retournera souvent, lui qui aimait tant cette ville. Son essai intitulé Londres paraitra en 1933. En 1908, c'est Venise, l'année même où s'y rendent aussi Jean Cocteau et Claude Monet. "Les maisons de Venise sont des immeubles, avec des nostalgies de bateau : d'où leurs rez-de-chaussée souvent inondés. Elles satisfont le goût du domicile fixe et du nomadisme." (1) Puis il fréquente la plage de Sitges en Catalogne. Il écrit dans son essai intitulé Bains de mer, bains de rêve (1960) : "La finesse du sable de Sitges est célèbre ; j'y fus, en 1911 ou 1912, rendre visite à Santiago Rusiñol, charmant peintre catalan, ami de Zuloaga et de Léon Daudet, qui, en sa villa du cap Ferrat (cap espagnol), avait réuni tout un bric-à-brac de vieilleries catalanes fort belles, et qui attendait ses amis assis sur un tonneau de malvoisie, au milieu du bariolage de ses fresques." 

En 1914, il est attaché d'ambassade à Londres auprès de Paul Cambon.

"1919. Après deux années passées à Rome et à Madrid, je revenais à Paris avec des poèmes, ceux d'un jeune impatient..." (1) En Espagne, il rencontre Serge Diaghilev réfugié au-delà des Pyrénées avec sa troupe. Ne pouvant se produire dans les pays en guerre, les Ballets russes, après un séjour de six mois en Suisse et une première tournée aux Etats-Unis d'Amérique, se produisent, avec l'autorisation du roi Alphonse XIII, à Madrid, Barcelone, San Sébastian.

Dans les années 20, Paul Morand fréquente le salon littéraire de Natalie Clifford Barney (20 rue Jacob, Paris) qui reçoit chaque vendredi des habitués, Paul Valéry, Rilke, Ezra Pound, Louis Aragon. Américaine la plus célèbre de Paris, native de l'Ohio, elle voulut aider financièrement Valéry, T.S. Eliot, Aragon et tenta d'exercer sans succès un mécénat organisé pour sauvegarder leur liberté de création. C'est l'époque où André Breton qui avait apprécié la nouvelle Clarisse ou l'Amitié parue dans le Mercure de France en mai 1917, ouvre à Morand sa revue "Littérature" pour qu'il puisse y publier trois poèmes (Lampes à arc) entre mai 1919 et janvier 1920. Louis Aragon éreinte d'emblée ces poèmes dans la dite revue et dit son peu de goût pour Fermé la nuit (nouvelles parues en 1922) et Breton dénonce l'année suivante l'œuvre de Morand qu'il qualifie de plaie. Ces critiques n'empêchent pas Morand d'accorder une interview à Aragon pour Paris-Journal en mars 1923. Les deux hommes se croisaient souvent au Bœuf sur le toit, bar très couru de la rue Boissy-d'Anglas, baptisé ainsi d'après le nom d'un spectacle musical éponyme sur un livret de Jean Cocteau et une musique de Darius Milhaud dont la première eut lieu au théâtre des Champs-Elysées en février 1920. En 1921, Paul Morand publie Tendres Stocks, nouvelles préfacées par Marcel Proust.

En 1927, il épouse Hélène Soutzo et s'installe dans l'hôtel particulier que celle-ci avait fait construire en 1905 au 5 de l'avenue Charles-Floquet à deux pas du Champ-de-Mars. Il est à noter que Charles Floquet fut député des Pyrénées-Orientales de 1882 à 1889 et deux fois président de la Chambre des députés (1885-1888 et 1889-1893).

Il présente deux fois, sans succès, sa candidature à l'Académie française : une première fois en 1936 au fauteuil de Jules Cambon, une deuxième fois en 1958. "Le général de Gaulle, protecteur de la compagnie, ne pardonne pas au grand écrivain son grand pétainisme : en poste à Londres en 1940, l'imprudent refusa de soutenir le jeune général, il rentra à Paris avec toute la mission du blocus qu'il présidait, à l'exception de la traductrice, Mlle de Miribel, qui préféra rester à Londres." (2) En 1968, il est élu au fauteuil de l'avocat Maurice Garçon.

Il eut une longue correspondance avec Jacques Chardonne et avec Roger Nimier (de trente-sept ans son cadet) à partir de 1950 année où ce dernier publiait son roman Le Hussard bleu. Amateur comme Morand d'automobiles luxueuses et rapides, il fut conseiller littéraire chez Gallimard, auteur du scénario du film de Louis Malle Ascenseur pour l'échafaud, avant de se tuer en voiture sur l'autoroute de l'Ouest en septembre 1962.

Paul Morand décède le 23 juillet 1976 en pleine canicule après avoir effectué un dernier voyage en Bretagne.

(1) Venises par Paul Morand de l'Académie française (Gallimard, 1971)

(2) Le premier janvier 1960 par Arthur Conte (Plon, 1978)

Sources :

Aragon de Dada au Surréalisme - Papiers inédits 1917-1931 (Gallimard, 2000)

Paul Morand, un évadé permanent par Gabriel Jardin (Grasset, 2006) : Gabriel Jardin, filleul de Paul Morand, est le fils du diplomate Jean Jardin (ami de Paul Morand), le frère de l'écrivain Pascal Jardin (décédé en 1980) et l'oncle de l'écrivain Alexandre Jardin.

Londres, ville où Paul Morand fut attaché d'ambassade dès 1912.

Londres, ville où Paul Morand fut attaché d'ambassade dès 1912.

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