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7 octobre 2016 5 07 /10 /octobre /2016 14:16

Le torpillage de navires à bord desquels voyagent des citoyens américains, les attentats ourdis par des diplomates allemands pour détruire sur le sol américain des usines de munitions et de denrées alimentaires à destination des Alliés, le projet d'un soulèvement pour l'indépendance de l'Irlande fomenté pour déstabiliser le Royaume-Uni, les grèves de marins et de dockers organisées par des meneurs à la solde de l'ambassade d'Allemagne à Washington exacerbent les passions patriotiques. La bombe qui, en juillet 1916, tue dix personnes à San Francisco lors d'une parade pour l'entrée en guerre des Etats-Unis provoque une telle fureur que les slogans de la campagne pour l'élection présidentielle de novembre tournent autour de l'intervention ou pas des Etats-Unis dans le conflit. "Si je me souviens bien, j'étais violemment pour Wilson. "Grace à lui, nous ne sommes pas en guerre." (...) C'est la première fois que les femmes votent dans l'Illinois, et on présume qu'elles voteront pour Wilson à cause de son discours en faveur de la paix." (1) C'est avec l'argument démocrate "Il nous a tenus hors de la guerre" que Wilson bat de peu - de 600 000 voix seulement et par 277 grands électeurs contre 254 - le candidat républicain Charles Evans Hughes en novembre 1916, la majorité des Américains ne désirant nullement entrer dans la guerre européenne. "Quant à Woodrow Wilson, ses souvenirs d'enfance sur la guerre de Sécession n'étaient pas faits pour le rendre belliciste. (...) L'envoi d'un corps expéditionnaire en France couterait fatalement la vie à des milliers de jeunes Américains, qui, tous, étaient aussi chers à l'ancien professeur que ses élèves de Princeton." (2) Fidèle à ses convictions, le président américain fait, fin décembre, une nouvelle tentative pour inciter les belligérants à cesser la guerre. "21 décembre : "Mr. Lansing, le secrétaire d'Etat, a fait aujourd'hui une proclamation belliqueuse qui a affolé la Bourse, a causé une semi-panique, presque un krach. Mais, ce soir, Mr. Lansing a corrigé sa déclaration dans un sens plus conservateur. Je ne puis imaginer en vertu de quelle loi de la diplomatie internationale, Mr. Wilson fait cette déclaration aux belligérants parce que le temps n'est pas sûr pour une chose pareille... Les journaux du soir ne parlent que de ça." (1) Le 22 décembre, l'ambassadeur des Etats-Unis à Paris porte à Aristide Briand un message du président Wilson conviant les belligérants à faire connaître leurs buts de guerre, message qui provoque la colère du gouvernement français. "Le 27 (décembre 1916, ndlr), Dedi m'écrit qu'il part pour Washington. (...) Il travaille à une courte critique de la lettre de Monsieur Wilson aux belligérants. C'est une lettre très médiocre et c'est dommage de le voir intervenir juste au moment où les Alliés étaient sur le point de répondre à la communication des Allemands et des Pouvoirs centraux. "Mais ton ami le Président ne se laisse pas guider par les règles du droit international. Il fait ce qui lui plaît. Comme dans le cas du Mexique, tout ce qu'il fait aggrave la guerre au lieu de la combattre. Nous verrons dans six mois." (1)

Même si le parti démocrate a mené campagne sur le slogan "He kept us out of war" ("Grâce à lui, nous ne sommes pas en guerre."), il devient évident que les Etats-Unis ne pourront plus rester neutres bien longtemps. Depuis la présidence de Theodore Roosevelt (1901-1909), les Etats-Unis interviennent de plus en plus dans la politique mondiale et exercent un pouvoir de gendarme du monde dans des situations jugées contraires à ses intérêts nationaux modifiant ainsi la doctrine de James Monroe (président de 1817 à 1825) qui, tout en réaffirmant le principe de neutralité cher à George Washington, stipulait que si les Etats-Unis s'interdisaient désormais de s'immiscer dans les affaires européennes, l'Europe devait s'interdire toute intervention dans les affaires américaines et le continent américain devait rester libre de toute colonisation européenne ("L'Amérique aux Américains" ou l'établissement d'une hégémonie des Etats-Unis sur les trois Amériques). C'est ainsi que Theodore Roosevelt propose sa médiation lors de la guerre russo-japonaise et fait signer à Portsmouth (New Hampshire) un traité qui lui vaut le prix Nobel de la Paix en 1906. En Amérique latine, "il obtient en 1901 la cession des droits britanniques sur le projet de canal de Panama (traité Hay-Pauncefote), et lorsque la Colombie, propriétaire de l'isthme, se révèle trop exigeante à son goût, il crée de toutes pièces, en 1903, un mini-Etat fantoche, Panama, qui loue immédiatement le futur canal (ouvert en 1914) et sa zone aux Etats-Unis pour 99 ans". (3) Les Etats-Unis qui en 1903 s'étaient retirés de Cuba (indépendante depuis 1898) tout en gardant une base navale à Guantanamo, réoccupent l'île en 1906 quand a lieu une insurrection à la suite d'élections contestées. Ils interviennent aussi au Nicaragua à la suite de troubles et le président sortant Taft (battu par Wilson en novembre 1912) justifie clairement, dans son message sur l'état de l'Union en décembre 1912, cette politique interventionniste. Même si Wilson a critiqué cette politique de Roosevelt appelée big stick policy (politique du gros bâton) vis-à-vis de l'Amérique latine, il est amené à intervenir à Haïti, en République Dominicaine et au Mexique. Dans ce dernier pays, Wilson intervient en 1916 lorsque Pancho Villa déclenche une rébellion - qui cause la mort de dix-huit Américains - et conduit des raids contre le Texas et le Nouveau-Mexique. Le général John Pershing, avec une armée de 7 000 hommes, est chargé par le président des Etats-Unis de capturer le rebelle, expédition qui prend fin en février 1917. Pendant ce temps, les Allemands annoncent le début de la guerre sous-marine à outrance et les Etats-Unis interceptent un télégramme en provenance d'Allemagne qui promet au gouvernement mexicain de lui rendre les provinces perdues en 1848 (Texas, Arizona et Nouveau-Mexique) s'il entre en guerre contre les Etats-Unis. Fin janvier 1917, Wilson se fait encore l'avocat devant le Sénat d'une paix sans vainqueurs et sans vaincus mais il sait qu'il ne pourra peser de tout son poids lors du règlement du conflit que si les Etats-Unis y entrent. Le 3 février, les Etats-Unis rompent leurs relations diplomatiques avec l'Allemagne. Le 2 avril, le président Wilson demande au Congrès de déclarer la guerre à l'Allemagne. Le 6, les deux chambres approuvent cette demande à une large majorité - le Sénat par 86 voix contre 6, la Chambre des Représentants par 373 voix contre 50 -, même si les Etats-Unis n'étaient pas préparés au conflit car ils n'avaient pas d'armée permanente et ignoraient la conscription. Les premiers "sammies" débarquent à Saint-Nazaire fin juin. Le 4 juillet, Pershing "descendant d'une famille alsacienne qui s'était installée en Amérique au milieu du XVIIIe siècle, avait vu le jour en 1860 dans un petit village du Missouri" (4) et Stanton fleurissent la tombe de La Fayette au cimetière de Picpus (Paris) mais c'est Stanton qui prononce la célèbre phrase : "La Fayette, nous voilà !"

Le 3 février 1919, Woodrow Wilson, premier président des Etats-Unis à se rendre en Europe dans l'exercice de ses fonctions, prononce devant l'Assemblée Nationale (Paris) le discours suivant : "L'Amérique a payé son tribut de reconnaissance à la France, en envoyant ses fils combattre sur la terre française. L'Amérique fit davantage. Elle a aidé à réunir les forces du monde afin que la France puisse ne plus jamais se retrouver dans l'isolement, afin que la France puisse ne jamais craindre que le péril ne retombe sur elle seule, qu'elle n'ait jamais à se demander : "Qui donc viendrait à mon secours ?"

(1) La belle vie par John Dos Passos (Mercure de France, 1968).

(2) Woodrow Wilson de la guerre à la paix par Gene Smith (1964).

(3) Les Etats-Unis de 1860 à nos jours par Pierre Gervais (Hachette Livre 2001).

(4) Bagatelle par Maurice Denuzière (Jean-Claude Lattès, 1981)

L'Institut Jean Vigo (avec le parrainage du CNC) présente jusqu'au 6 novembre 2016 une exposition d'affiches de cinéma "1892.1929 - l'Affiche invente le cinéma" au couvent des Minimes (rue Rabelais, Perpignan, Pyrénées-Orientales) du mardi au dimanche de 11 heures à 17h30. Entrée gratuite.

Détail d'une affiche de film avec Fatty (1917)

Détail d'une affiche de film avec Fatty (1917)

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