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20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 18:47

Les années septante s'achevaient. Le mois d'août 79, au cours duquel Patrice avait passé ses vacances dans le Cantal, avait été rythmé par les airs disco qui passaient en boucle à la radio et sur le juke-box du seul café du village. Les années disco prenaient fin et c'est Peter Jacques Band et son Walking on Music - titre qui a duré ce que dure un mois d'août - qui sonna le glas de ce courant musical sur lequel tant de couples avaient dansé. D'ailleurs Joe Dassin ne réclamait-il pas un dernier slow ? C'est dire que les jours de cette rythmique endiablée étaient comptés.

A Paris, un nouveau centre commercial était inauguré, avec ses boutiques sur plusieurs niveaux qui dominaient une sorte d'agora avant-gardiste, lieu de rencontre d'une foule bigarrée et pressée, ornée d'une statue qui l'était tout autant : le Forum des Halles. Le Centre Pompidou inauguré trente mois plus tôt de l'autre côté du boulevard Sébastopol était déjà le lieu de toutes les cultures avec sa "Piazza" qu'animaient des jongleurs et autres bateleurs des temps modernes et entourée d'établissements à la mode surtout connus pour leurs lieux d'aisance, véritables galeries des glaces du XXème siècle. Le Forum serait désormais le pendant de ce lieu culturel et convivial, et entre les deux, une foule circulerait comme pour une procession : étanche, compacte, concentrée. Patrice, en ce début des années 80, en fit son lieu de prédilection, y allait dès qu'il était sorti de son bureau et y achetait ses disques et ses chemises aux motifs géométriques, cachemire et cauchemar pour les laver sans faire passer les couleurs. Il passait devant les vitrines pour y voir les dernières nouveautés en matière de fringues et prenait l'escalier mécanique qui descendait directement au 3ème sous-sol - nouveau voyage au centre de la terre - afin d'accéder directement à la FNAC, vaste temple de la musique. Vinyle ou cassette ?, telle était alors la question. Pour pousser la clientèle à la dépense, on faisait entendre les derniers enregistrements sortis. C'est ainsi que Patrice connut et acquit les disques de Sade, Djavan, Shakatak, Kajagoogoo, Spandau Ballet, ABC, Wham, bref tous ceux qui par leurs voix et leurs mélodies lui comptaient de belles aventures par le truchement d'une chaîne - platines disques et K7, ampli, enceintes - de marque japonaise.

La journée, c'était le travail dans un immeuble de la rue de la Banque. Pour 2 657, 18 francs par mois - le Smic au centime près - Patrice travaillait dans une maison d'édition comme employé aux écritures, je veux dire comme agent technique (il serait un jour agent technique qualifié, puis agent technique hautement qualifié). Le midi, il se promenait dans la galerie Vivienne toute proche et ce n'est pas ce salon de thé qui venait d'ouvrir qui l'attirait mais la librairie et sa vitrine où étaient exposées d'anciennes éditions dont le livre de Georges Clemenceau sur Claude Monet. Patrice n'avait pas les moyens de l'acheter ; d'ailleurs, ce n'est un seul livre qu'il aurait aimé acheté mais tout le commerce. Quand Patrice entrait dans une librairie, il n'en ressortait que plusieurs heures plus tard, tout affairé qu'il était à regarder les couvertures, tâter le grain du papier, caresser d'un doigt les mots imprimés. L'imprimerie devenait source de sensualité, la lecture abreuvoir de plaisir.

Patrice vivait seul et avait peu d'amis. Seul Jacky, qui - hélas ! - fréquentait quelques filles dans le quartier où il habitait près de la Porte des Lilas, comptait vraiment pour lui. Les collègues ne pensaient que boîtes de nuit, beuveries et blagues grivoises. Pour ne pas être en reste, Patrice se forçait à rire à l'écoute de leurs histoires drôles et les accompagnait mollement au Memphis, boîte de nuit sise près de la station Bonne Nouvelle, où un de ses collègues avait vainement tenté de draguer une fille sur Against all odds de Phil Collins. Patrice s'ennuyait dans cet endroit comme dans tous les lieux où on l'emmena comme le Privé ou la Poutre, où les couples se serraient sur les pistes de danse exiguës comme dans le métro à six heures du soir. Il y avait bien cette fille - dont Patrice a eu le temps depuis cette époque d'oublier son nom - qui le suivait partout et qui croyait avoir découvert en lui le prince charmant. Mais Patrice n'était visiblement pas charmé...

La Pyramide du Louvre inaugurée en 1989.

La Pyramide du Louvre inaugurée en 1989.

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